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Quelle politique de santé pour le nouveau quinquennat ?

Étonnamment, plus de deux ans après le début de l’épidémie de Covid-19, la campagne qui vient de s’achever a donné peu de place aux questions de santé. Éprouvés par la crise sanitaire, les professionnels de santé et les patients attendent pourtant des mesures fortes pour les cinq prochaines années. Les premiers en faveur de leurs conditions de travail et de leurs rémunérations, les seconds pour lutter contre les déserts médicaux. Des préoccupations reprises dans le programme du président réélu et qui devraient être au cœur de la « convention des parties prenantes », sorte de COP de la santé qui réunira, à une date encore inconnue, l’ensemble des représentants et des acteurs du système de santé (hospitaliers, libéraux, usagers/patients et collectivités locales). Un temps d’échanges pour tirer les enseignements de la crise sanitaire et travailler sur les priorités des cinq prochaines années.

Prévention et extension du 100 % Santé

Plusieurs mesures ont été annoncées au cours des dernières semaines. Citons la mise en place de bilans de santé aux âges clés de la vie (25, 45 et 60 ans), intégralement remboursés par l’Assurance maladie. Des bilans qui permettront notamment de renforcer la santé au travail et le dépistage précoce des cancers. Autre initiative annoncée : l’amélioration de la santé des enfants. Emmanuel Macron souhaite accroître les moyens alloués à la médecine scolaire, former plus de professionnels de santé spécialisés dans la santé infantile (psychomotriciens, orthoptistes et orthophonistes) et créer un « brevet de santé publique » à la fin de l’école primaire. Une augmentation du nombre d’heures allouées au sport scolaire est aussi évoquée (30 minutes par jour en primaire et 2 heures de plus par semaine au collège).

Fort de la réussite du 100 % Santé, mesure phare du précédent quinquennat, le président pourrait étendre cette réforme à l’orthodontie, soins particulièrement coûteux pour les familles concernées. Pour aller encore plus loin dans la suppression des restes à charge, Emmanuel Macron propose de mettre en place le tiers-payant intégral (dispense des frais pour le patient, incluant la part remboursée par la complémentaire santé). Deux mesures qui devraient trouver un écho favorable auprès des Français, confrontés aux pressions inflationnistes qui pèsent sur leur pouvoir d’achat.

Lutte contre les pénuries de professionnels de santé et les déserts médicaux

Autre volet majeur du programme dont la résonance politique est forte : l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations au sein du secteur hospitalier public. La crise sanitaire a aggravé les tensions et les pénuries au sein de certaines catégories de personnel. Dans son programme, le président souhaite « poursuivre le sauvetage de l’hôpital », promettant ainsi le recrutement d’infirmiers et d’aides-soignants, un allègement des charges administratives pour les soignants et un renforcement de la place des médecins dans la gouvernance des établissements.

Sur la question prégnante des déserts médicaux, le président prône une approche territoriale, pilotée par les ARS, afin d’adapter les solutions aux spécificités du terrain et aux besoins de la population. Le développement des CPTS (713 en projet ou déjà opérationnelles en avril 2022) et les créations de MSP devraient se poursuivre dans les années à venir. De même que les coopérations interprofessionnelles, les pratiques avancées, l’embauche de nouveaux assistants médicaux et le déploiement de la télémédecine, pour laquelle certains obstacles ont d’ores et déjà été levés. Pour accélérer le développement de la télésanté, Emmanuel Macron promet que l’ensemble du territoire national sera couvert par la fibre en 2025. En outre, 20 000 « accompagnateurs » devraient être recrutés pour aider les Français à s’approprier les nouveaux usages numériques, y compris dans la santé.

Autonomie des personnes âgées et virage domiciliaire

Sur le dossier (inachevé) de l’autonomie et du virage domiciliaire, une grande réforme est annoncée. Les moyens humains dans les Ehpad devraient être renforcés, avec le recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants d’ici 2027 (+ 25 % par rapport à 2022). Emmanuel Macron a, par ailleurs, annoncé la création d’une allocation destinée à l’aménagement des logements des personnes âgées : une « Prime Adapt’ », versée sous condition de ressources, qui prendra en charge jusqu’à 70 % des coûts des travaux d‘adaptation. Les services de maintien à domicile devraient être renforcés et réorganisés, avec la mise à disposition d’un interlocuteur unique pour l’aidant ou la personne âgée, chargé de coordonner l’ensemble de ces services.

Innovation et relocalisation industrielle

Dans ce domaine, le programme présenté lors de la campagne n’a pas apporté de mesures nouvelles. Il a repris les objectifs du plan France 2030 et du dernier CSIS : relocalisation de la production de certains médicaments, accélération des efforts dans le domaine de la bio-production, notamment dans les domaines du cancer, des maladies émergentes et des pathologies chroniques, et soutien public aux innovations technologiques, comme les exosquelettes par exemple.

À noter qu’aucune mesure de régulation comptable des dépenses de santé n’a été annoncée lors de la campagne, malgré l’aggravation importante des déficits de l’Assurance maladie. Même si cette question devrait se présenter rapidement, le président-candidat a laissé de côté les questions économiques et a préféré évoquer les nouveaux investissements et l’évolution des organisations de soins.