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Le pharmacien correspondant sur les rails

12 ans, c’est le temps qu’il aura fallu pour définir les missions et les responsabilités du pharmacien correspondant. Un nouveau statut accordé par la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires (article 38) qui reconnaît aux officinaux la possibilité de renouveler des prescriptions de médicaments, d’ajuster si nécessaire leur posologie et de réaliser des bilans de médication et ce, dans le cadre de coopérations interprofessionnelles avec les médecins. Depuis, les bilans de médication ont fait l’objet d’un avenant conventionnel à part entière (avenant n° 12) et sont donc sortis du périmètre des responsabilités incombant au pharmacien correspondant.

En l’absence de décret d’application devant fixer ses modalités opérationnelles et sa rémunération, ce statut n’a pu être mis en place. Il est malgré tout resté d’actualité puisque la dernière loi de santé de 2019 mentionne spécifiquement le pharmacien correspondant (article 28), en précisant toutefois que celui-ci ne peut exercer que dans une équipe de soins spécialisés (ESP), une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), un centre de santé ou une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP).

Rémunérations en attente

Prévu en 2020, le décret d’application est finalement paru au Journal officiel le 30 mai dernier. Concrètement, le pharmacien correspondant doit être titulaire et être déclaré par le patient auprès de l’Assurance maladie (via un formulaire qui sera bientôt disponible). Une fois désigné, le pharmacien informe le médecin traitant du patient, sachant que ce « binôme » doit faire partie du même « collectif de soins » (CPTS, MSP…) et que les modalités d’information du prescripteur doivent être précisées dans le projet de santé du collectif. En tant que « correspondant », le pharmacien est autorisé à renouveler périodiquement des traitements prescrits dans le cadre de pathologies chroniques et/ou adapter leur posologie, dans une limite de 12 mois à compter de la prescription. Pour ce faire, il doit recevoir le patient dans un espace de confidentialité. Les renouvellements et adaptation de posologie doivent, par ailleurs, être mentionnés dans le DP et le DMP, lorsque ces dossiers sont créés.

À noter que la mise en place effective du pharmacien correspondant n’entrera en vigueur que lorsque la rémunération et le formulaire de déclaration auprès de l’Assurance maladie seront fixés par arrêté ministériel. Cette dernière étape devrait intervenir dans les semaines qui viennent.

Des contraintes et des freins encore nombreux

Même s’il s’agit d’une avancée importante dans l’évolution de l’exercice officinal, les services apportés par le pharmacien correspondant sont assortis de limites qui vont probablement freiner son déploiement. Parmi ces limites, citons celle que le ministère de la Santé peut imposer lui-même, en se réservant le droit de fixer, pour des raisons de santé publique, une liste de médicaments non éligibles au dispositif. Mais les difficultés viendront probablement plus de l’obligation de fonctionner en binôme « médecin traitant – pharmacien correspondant », dans le cadre de collectifs de soins dont le nombre ne dépasse pas les 5 000 début 2021 et dans lesquels la place des pharmaciens d’officine reste assez faible. Autre frein important : le décret précise que la prescription médicale doit spécifiquement mentionner l’autorisation de renouvellement et de modification de la posologie. L’exercice du pharmacien correspondant est donc soumis à l’autorisation du prescripteur. Or certains médecins semblent réticents à l’égard de ce dispositif, voire franchement hostiles, à l’instar du Syndicat des Médecins Libéraux (SML) qui appelle ses adhérents à inscrire systématiquement la mention « ordonnance non modifiable ».

Face à ces nombreux obstacles, les syndicats de pharmaciens demandent d’ores et déjà un assouplissement des modalités du pharmacien correspondant. Il n’est pas sûr qu’ils soient entendus à court-moyen terme.