k4_17942907.jpg

La substitution biosimilaire relancée par le PLFSS 2022

Répondre aux demandes des associations de patients, concilier le dispositif spécifiquement destiné aux médecins avec celui des pharmaciens, tout en atteignant les objectifs d’économies fixés par les autorités de santé… La définition des règles de substitution biosimilaire en médecine de ville relève du casse-tête. Autorisé dans la loi de financement de la Sécurité sociale de 2014, dans le cadre limité de l’initiation de traitement, ce droit de substitution n’est jamais entré en vigueur, les décrets d’application n’ayant pas été publiés. Retiré du Code de la santé publique en 2020, il devrait finalement y être réintroduit grâce au projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2022, selon des modalités toutefois différentes de celles qui avaient été imaginées, il y a 7 ans. Selon les dernières réunions entre le ministère de la Santé, l’Assurance maladie et les représentants de la profession officinale, les pharmaciens pourraient être autorisés à substituer un biomédicament princeps (dit de référence) par un médicament biosimilaire à condition que le médecin prescripteur ne s’y oppose pas et que cette substitution s’opère dans le cadre d’un primo-traitement, hors traitement chronique. Cette substitution pourrait se faire à partir d’une liste fermée de spécialités, établie et mise à jour par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). À noter que cette liste serait différente de celle qui entrera en vigueur début 2022 pour encadrer l’interchangeabilité des biomédicaments par les médecins, liste qui comprend 6 spécialités pharmaceutiques (Enbrel®, Humira®, Forsteo®, Gonal-F®, Lovenox® et l’insuline asparte). Les syndicats de pharmaciens ont d’ores et déjà émis certaines réserves. L’USPO n’est pas favorable à une liste fermée de médicaments substituables et souhaiterait que le pharmacien décide librement, avec le patient, de la spécialité à dispenser. Quant à la FSPF, elle propose que la substitution biosimilaire s’inscrive dans le cadre des services assurés par le pharmacien « correspondant », en coordination avec le prescripteur.

Les laboratoires de biosimilaires s’invitent dans le débat

Les syndicats de pharmaciens ne sont pas les seuls à exprimer quelques divergences quant à la meilleure façon de développer ce marché. Côté industriels, les débats font rage, entre les tenants de l’interchangeabilité et les défenseurs de la substitution en pharmacie. Le GEMME (association des laboratoires de génériques) préconise de créer une liste de référence des médicaments biologiques similaires, de mettre en place des objectifs de prescription au sein de chaque classe et d’inclure ces objectifs dans les cadre des ROSP pour les médicaments utilisés en médecine de ville. L’association est, par ailleurs, favorable à la substitution en pharmacie, acte qui pourrait être valorisé par un honoraire rémunérant le suivi du patient. Le laboratoire de biotech Amgen, plutôt favorable à l’interchangeabilité par les médecins, a récemment assoupli sa position en proposant d’ouvrir la substitution aux spécialités les moins complexes et les plus anciennes (ex : les insulines). De son côté, Biogaran met en avant les enjeux de souveraineté sanitaire, inscrivant sa réflexion dans le cadre du dernier CSISS. La filiale du groupe Servier défend le développement de ce marché en tant qu’alternative aux médicaments princeps qui peuvent être exposés à des risques de rupture de stocks. Quant à Sandoz, l’un des leaders mondiaux du marché des biosimilaires, il propose d’accorder aux pharmaciens le droit de substitution, pour certaines spécialités, en y associant un entretien pharmaceutique rémunéré par l’Assurance maladie.

Des économies attendues dès 2022

Quelles que soient les modalités qui seront finalement définies dans le prochain PLFSS, le développement des biosimilaires en médecine de ville revêt un enjeu de taille pour l’Assurance maladie, confrontée à l’aggravation sans précédent de son déficit. Ce marché représente, en effet, un levier d’économies non négligeable : sur les 1 382 M€ de dépenses remboursées en 2020 au titre des biomédicaments, la part des biosimilaires ne s’est établie qu’à seulement 36 %, tandis que le taux de pénétration ne dépasse pas les 27 %(1). Soit deux à trois fois moins que l’objectif de 80 % fixé par la Stratégie nationale de santé 2018-2022. Une hausse significative de ce taux pourrait ainsi générer, chaque année, des dizaines voire des centaines de millions d’euros d’économies, sachant que les différentiels de prix avec les médicaments princeps de référence sont en moyenne de 30 à 40 %. Dans son rapport annuel « Produits et Charges » pour 2022, l’Assurance maladie a budgété pour l’année prochaine 52 M€ d’économies : 42 M€ au titre de la prescription par les médecins et 10 M€ au titre de la substitution par les pharmaciens.

(1) En % du marché de référence. Source : GERS DATA