k4_15418040.jpg

Covid-19 : la révolution numérique des pratiques médicales est en marche

Présentée il y a juste un an par le ministère de la Santé, la feuille de route « Accélérer le virage numérique » n’avait évidemment pas anticipé une telle transformation des usages et l’adoption aussi rapide de solutions qui n’existaient pas, il y a encore quelques semaines. Fait le plus visible car régulièrement mesuré par diverses sources, l’explosion du nombre de téléconsultations est le phénomène le plus marquant de cette révolution. En deux mois, selon les estimations du GIE GERS, la part des téléconsultations est, en effet, passée de 0,2 % à plus de 20 % du nombre total des consultations médicales. Une proportion qui semble avoir atteint un plateau au cours des semaines 16 (13 avril) et 17 (20 avril), à la fois chez les médecins généralistes et les spécialistes. Malgré cette stabilisation, très probablement liée à la baisse des nouveaux cas de contamination, on ne devrait pas, pour autant, revenir aux niveaux d’avant la crise. Selon de nombreux experts, il pourrait se passer entre 12 et 18 mois avant qu’un traitement efficace ou un vaccin puissent être mis sur le marché. Pendant cette période, la distanciation sociale demeurera nécessaire et la téléconsultation restera une pratique fort utile pour éviter la sur-fréquentation des cabinets médicaux. Citons à titre d’exemple le domaine de l’ophtalmologie : le numérique peut permettre de limiter les interactions entre médecin et patient, pour les cas qui ne sont pas des urgences ophtalmiques. Le partenariat récemment annoncé entre le réseau Point Vision (35 centres) et la société de téléconsultation Qare témoigne des usages concrets de la télé-ophtalmologie et de son utilité. Une partie non négligeable des consultations pourrait donc basculer durablement vers le numérique, dans les cas, par exemple, de renouvellement d’ordonnances ou de suivi de pathologies chroniques pouvant être assuré par des dispositifs médicaux connectés. La téléconsultation pourrait aussi s’avérer utile pour permettre aux médecins d’absorber le surplus de demandes de rendez-vous, en raison des reports importants constatés pendant le confinement. Au-delà des circonstances particulières liées à la crise sanitaire, les usages à plus long terme de la téléconsultation dépendront de la volonté de l’Assurance maladie de pérenniser un certain nombre de règles qui ont été assouplies au début du mois de mars (en particulier la possibilité de s’adresser à un médecin téléconsultant autre que son médecin traitant).

La télésurveillance à domicile des patients contaminés et des cas contacts

Le télésuivi à domicile ou en Ehpad démontre aussi son utilité pratique et son adoption rapide, tant par les médecins que par les patients. Une solution comme Covidom, co-développée par Nouveal e-santé et l’AP-HP, a été déployée dès le début du mois de mars. Elle a d’ores et déjà été utilisée par 60 000 patients, 320 établissements de santé et 20 000 praticiens, dont 5 000 généralistes. D’autres applications ont été rapidement développées, comme celle utilisée par le CHU de Montpellier, MHLink. Le recours à ce type d’appli pourrait se généraliser après le confinement, dans le cadre de la mise en isolement des personnes contaminées ou potentiellement contagieuses.

Le développement du télésoin par les professions paramédicales

Autre fait marquant de cette crise, l’adaptation rapide des modalités règlementaires et du remboursement des actes de télésoin, que l’Assurance maladie a souhaité favoriser pour les sages-femmes (suivi des grossesses à distance), les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes (rééducation à distance), ainsi que pour les infirmières libérales. Ces dernières peuvent ainsi suivre à distance un patient contaminé par le Covid-19, l’acte de télésuivi étant assuré par vidéotransmission ou par téléphone, si le patient n’a pas d’ordinateur, de smartphone ou de connexion internet. L’ensemble de ces dispositifs de télésuivi devraient être maintenus après l’épidémie, hormis les échanges par téléphone qui relèvent d’une dérogation exceptionnelle liée à l’urgence sanitaire.

Une autre pratique à distance présente un intérêt évident : celle de la télé-audiologie. Les patients souffrant de troubles auditifs, majoritairement âgés de plus de 65 ans, sont particulièrement exposés aux formes graves du Covid-19. Même si les outils numériques sont moins faciles à utiliser pour cette tranche de la population, ils sont utiles pour les actes ne nécessitant pas une insonorisation, comme le réglage à distance des aides auditives ou la vérification de leurs fonctionnalités. Certains fabricants d’audioprothèses comme Starkey et Signia ont ainsi multiplié les communications au cours de ces dernières semaines afin de faire mieux connaître leurs solutions de téléréglage.

La téléconsultation et le télésoin, ainsi que les applications de télésuivi, se sont rapidement imposés depuis le début de l’épidémie, faisant mentir les nombreux sceptiques sur la transformation des pratiques médicales par le numérique… Ces solutions devraient continuer à être utilisées, tant que la circulation du virus demeurera active et que les règles de distanciation physique resteront en vigueur. Cette crise s’inscrit dans un temps long, propice à une modification durable des usages, tant chez les médecins que chez les patients.