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Port de signes religieux dans l’entreprise : des précisions bienvenues

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt apportant quelques éléments de réponse concrets à la délicate question de l’interdiction du port de signes religieux dans l’entreprise.

Dans cette affaire, une salariée travaillait en tant qu’ingénieur dans une société de conseil. En 2009, son employeur l’avait licenciée car elle refusait d’ôter son foulard islamique lors de ses interventions auprès de clients de la société. La salariée avait alors contesté son licenciement devant les tribunaux au motif qu’il constituait une mesure discriminatoire en raison de ses convictions religieuses.

La Cour d’appel de Paris a considéré que le licenciement de la salariée n’était pas discriminatoire. Elle a d’abord rappelé que la restriction apportée par l’employeur à la liberté religieuse des salariés doit être justifiée par la nature de la tâche à effectuer et proportionnée au but recherché. Les juges ont ensuite constaté que l’employeur acceptait que sa salariée porte le voile dans les locaux de la société et que c’était pour répondre à un souhait d’un de ses clients qu’il lui avait demandé de retirer son foulard lors de ses interventions dans les bureaux de ce dernier. Dès lors, pour la cour d’appel, la restriction que l’employeur avait imposée à la liberté de la salariée de manifester ses convictions religieuses était proportionnée au but recherché, puisque seulement limitée aux contacts avec la clientèle, et justifiée par les intérêts de l’entreprise.

Cette solution a été invalidée par la Cour de cassation. Pour pouvoir interdire le port de signes religieux à ses salariés, l’employeur doit intégrer dans le règlement intérieur de l’entreprise une « clause de neutralité » prévoyant, de manière générale et indifférenciée, que le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux est prohibé. Sachant que cette interdiction ne peut s’appliquer qu’aux salariés en contact avec des clients. Enfin, si le salarié refuse d’ôter ce signe lorsqu’il rencontre des clients, l’employeur doit vérifier, avant tout licenciement, s’il est possible, compte tenu des contraintes inhérentes à son entreprise et sans que celle-ci n’ait à subir une charge supplémentaire, de reclasser ce salarié dans un poste qui n’exige pas de contact avec la clientèle.

Précision : les entreprises de moins de 20 salariés, qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un règlement intérieur, peuvent prévoir une clause de neutralité dans une note de service qui doit respecter les mêmes règles légales que le règlement intérieur (information des salariés, dépôt auprès du conseil de prud’hommes…).

En l’espèce, le règlement intérieur de l’entreprise ne comportait aucune clause de neutralité. En conséquence, l’interdiction faite à la salariée de porter le foulard islamique lors de ses interventions chez les clients ne découlait pas d’une règle collective applicable à tous les salariés, mais résultait seulement d’un ordre oral donné à une seule salariée et visant un signe religieux déterminé. Il en résultait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses. Et, pour la Cour de cassation, la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir une salariée voilée intervenir dans ses locaux ne constituait pas une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » pouvant justifier une restriction à sa liberté religieuse.

Cassation sociale, 22 novembre 2017, n° 13-19855

  • © 2017 Les Echos Publishing - Sandrine Thomas
  • Déc 08, 2017